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Lil et Gus Kramer étaient assis raides comme des piquets dans le bureau du commissaire Ahearn. Il les observait en silence, cherchant le meilleur moyen de les faire parler. Lorsque Gaylor les avait introduits, Lil Kramer lui avait paru au bord de la crise de nerfs. Ses mains tremblaient. Un tic déformait le coin de ses lèvres. Elle semblait près d’éclater en sanglots. Fallait-il commencer doucement ou y aller carrément ? Il choisit la méthode brutale.

« Lil, vous nous aviez caché que vous aviez fait deux ans de prison pour vol de bijoux ? »

On eût dit qu’il lui avait envoyé son poing en pleine figure. Suffoquant, les yeux soudain agrandis, elle se mit à gémir. Gus bondit hors de son siège. « Fichez-lui la paix, hurla-t-il à l’adresse d’Ahearn. Je vais vous dire ce qui s’est passé. Elle venait de l’Idaho, elle était jeune, sans famille, et s’occupait d’une vieille dame jour et nuit. Elle n’a jamais touché à ces bijoux ! Les cousins de la vieille étaient les seuls à connaître la combinaison du coffre. Ils ont tout mis sur le dos de Lil et ils ont eu non seulement les bijoux, mais l’assurance. Une vraie arnaque. J’espère qu’il rôtiront un jour en enfer !

– Je n’ai jamais rencontré un repris de justice qui n’ait pas été victime d’une arnaque, dit brusquement Ahearn. Veuillez vous rasseoir, monsieur Kramer. » Il se tourna vers Lil. « Mack vous a-t-il accusée d’avoir volé quelque chose dans sa chambre ?

– Lil, ne réponds pas. Ces types essayent de te piéger eux aussi. »

Les épaules de Lil s’affaissèrent. « Je n’y peux rien. Personne ne me croira de toute façon. Juste avant de disparaître, Mack m’a posé des questions à propos de sa nouvelle montre, il m’a demandé si je l’avais vue. J’ai compris qu’il me soupçonnait de l’avoir volée. Ça m’a tellement bouleversée que je l’ai injurié. Je lui ai dit qu’ils mettaient un tel foutoir dans l’appartement tous les trois, qu’ils n’arrêtaient pas de perdre un truc ou un autre, et chaque fois c’était moi qu’ils accusaient.

– Qui d’autre vous a accusée ? demanda Ahearn.

– Cette brute de Bruce Galbraith. Il ne trouvait plus sa bague d’université. Comme si elle pouvait m’intéresser ! Qu’est-ce que j’en aurais fait ? Puis, une semaine plus tard, le voilà qui la retrouve dans une poche de pantalon. Aucune excuse, naturellement. Même pas “je suis désolé, madame Kramer”. »

Elle se mit à pleurer, des larmes de fatigue, de détresse.

Ahearn et Gaylor se regardèrent. Ils pensaient la même chose : pas difficile à vérifier.

« Ainsi vous ignorez si Mack a retrouvé sa montre avant de disparaître.

– C’est vrai, j’en sais rien. Et j’ai peur qu’il m’accuse si jamais, il revient. » Elle continua d’une voix plaintive : « Et quand j’ai cru le voir à l’église… »

Ahearn la coupa : « Vous ayez cru le voir à l’église ! Vous nous avez dit que vous étiez certaine de l’avoir vu.

– Le type que j’ai vu avait la même taille que lui. Quand j’ai appris qu’il avait laissé cette note, je me suis dit que c’était sûrement Mack, après je n’en étais plus certaine, et maintenant je pense que oui, c’était bien lui, mais… »

Gaylor l’interrompit :

« Pourquoi avez-vous subitement décidé d’aller vous installer en Pennsylvanie ?

– Parce que le neveu de M. Olsen, Steve Hockney, a entendu Mack m’interroger à propos de sa montre et qu’il me fait du chantage avec cette histoire ! s’écria-t-elle. Il veut que nous nous plaignions de Howard Altman auprès de son oncle pour qu’il le renvoie et… et… j’en peux plus. Je veux juste mourir… »

Lil Kramer se pencha en avant et enfouit son visage entre ses mains. Ses maigres épaules étaient secouées de sanglots. Gus s’agenouilla et passa son bras autour d’elle. « Calme-toi, Lil, dit-il. Calme-toi. Nous allons rentrer à la maison maintenant. »

Il leva les yeux, regarda Ahearn, puis Gaylor. « Voilà ce que je pense de vous », cria-t-il. Et il cracha sur le tapis.